Le Bean to Bar en Côte d’Ivoire : Une Voie Stratégique vers la Valeur Ajoutée et le Développement Durable

I. Introduction
Le modèle « bean-to-bar » (de la fève à la tablette) représente un changement de paradigme dans la fabrication du chocolat, mettant l’accent sur le contrôle par le fabricant de l’ensemble du processus de production, depuis l’approvisionnement en fèves de cacao brutes jusqu’à la fabrication du produit final pour le consommateur. Cette approche implique souvent un engagement direct avec les producteurs de cacao, une sélection méticuleuse de cacao de saveur d’origine unique, et l’utilisation d’équipements spécialisés pour garantir la qualité et la spécificité. Bien que le terme soit apparu dans le mouvement du chocolat artisanal et de spécialité vers 2010, ses racines remontent aux années 1970 et 1980, lorsque certains chocolatiers ont commencé à contrôler l’ensemble du processus. Contrairement au chocolat produit en masse ou aux confiseries fabriquées à partir de masse de cacao pré-transformée, le « bean-to-bar » signifie un engagement à fabriquer du chocolat directement à partir de fèves entières, permettant un plus grand contrôle sur la saveur, la qualité et la provenance.
Pour les nations productrices de cacao, en particulier la Côte d’Ivoire, ce modèle revêt une profonde signification. La Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial de cacao, représentant environ 45 % de la culture mondiale de cacao et constituant une matière première vitale pour les recettes d’exportation du pays. Historiquement, la grande majorité de ce cacao a été exportée sous forme de fèves brutes, limitant les avantages économiques conservés par le pays d’origine. Le mouvement « bean-to-bar » présente donc une opportunité stratégique pour la Côte d’Ivoire de dépasser son rôle de fournisseur de matières premières et de capter une plus grande valeur au sein de l’industrie mondiale du chocolat. Ce rapport vise à analyser de manière exhaustive le mouvement « bean-to-bar » en Côte d’Ivoire, en explorant ses défis inhérents, les opportunités émergentes qu’il présente, et ses implications stratégiques pour favoriser le développement durable et une prospérité équitable dans le secteur cacaoyer du pays.

II. Le Paysage Mondial du Cacao et la Dominance de la Côte d’Ivoire
La position de la Côte d’Ivoire en tant que leader incontesté de la production mondiale de cacao est une caractéristique déterminante du marché international du cacao. En 2023, le pays a produit environ 2,38 millions de tonnes métriques de fèves de cacao, ce qui représente environ 34 % de la production mondiale totale. Cette dominance est encore soulignée par le fait que la Côte d’Ivoire, combinée au Ghana voisin, représente près des deux tiers de l’approvisionnement mondial en cacao.
Le Tableau 1 offre une perspective claire de la contribution inégalée de la Côte d’Ivoire à la production mondiale de cacao :
Tableau 1 : Production Mondiale de Cacao par Pays Leaders (2023)
Pays | Production 2023 (tonnes) | Part approximative de la production mondiale | |
Côte d’Ivoire | 2 377 442 | ~34% | |
Ghana | 653 700 | ~9% | |
Indonésie | 641 741 | ~9% | |
Équateur | 375 719 | ~5% | |
Brésil | 296 145 | ~4% | |
Cameroun | 295 819 | ~4% | |
Nigeria | 284 232 | ~4% | |
Pérou | 166 709 | ~2% | |
République Dominicaine | 65 930 | ~1% | |
Colombie | 59 831 | ~1% | |
Papouasie-Nouvelle-Guinée | 43 200 (estimation) | ~0.6% | |
Autres | Reste | ||
Source : |
Malgré ce volume de production écrasant, la Côte d’Ivoire ne capte qu’une fraction minimale de la chaîne de valeur du cacao. Les fèves de cacao brutes dominent massivement les exportations du pays liées au cacao, les produits chocolatés finis ne constituant qu’un maigre 2,4 % du total. Ce déséquilibre flagrant signifie que la majorité des processus à valeur ajoutée — tels que le broyage, la fabrication, le marquage et la distribution — se déroulent principalement dans les pays consommateurs, leur permettant d’extraire la part du lion des bénéfices. Les producteurs de cacao en Côte d’Ivoire, qui sont au tout début de cette longue chaîne d’approvisionnement, reçoivent généralement moins de 6 % de la valeur finale d’une tablette de chocolat. Cette organisation structurelle met en évidence une faiblesse critique : le pays ne tire qu’un bénéfice économique minimal de sa matière première la plus importante tout en exportant richesse et opportunités vers les chocolatiers étrangers.
Le modèle « bean-to-bar » s’attaque directement à ce déséquilibre. En permettant aux fabricants de chocolat de contrôler l’ensemble du processus, de l’approvisionnement en fèves au produit fini, il permet l’intégration de la transformation dans le pays d’origine. Cette intégration verticale signifie que la Côte d’Ivoire peut conserver une plus grande partie de la richesse générée par son cacao, créer des emplois à plus forte valeur ajoutée sur son territoire et réduire sa vulnérabilité aux prix volatils des matières premières. L’adoption et l’expansion des opérations « bean-to-bar » en Côte d’Ivoire ne sont donc pas simplement une tendance culinaire ou artisanale ; elles représentent une voie stratégique fondamentale vers l’industrialisation nationale, la diversification économique et un développement plus durable.
III. Défis et Opportunités pour la Valeur Ajoutée en Côte d’Ivoire
Le parcours de la Côte d’Ivoire vers une plus grande valeur ajoutée dans son secteur cacaoyer est semé de défis socio-économiques, environnementaux et de marché complexes, mais il est simultanément riche d’opportunités stratégiques.
A. Paysage Socio-Économique
Le fondement de l’industrie cacaoyère ivoirienne repose sur le travail d’environ 900 000 petits exploitants agricoles. Malgré leur rôle crucial, la majorité de ces agriculteurs peinent à gagner suffisamment pour dépasser le seuil de pauvreté. En moyenne, les producteurs de cacao ivoiriens gagnent un maigre 0,78 $ par jour, recevant moins de 6 % du revenu total généré par l’industrie du chocolat. Cette pauvreté généralisée est une cause profonde de nombreux problèmes systémiques.
L’un des problèmes les plus persistants et préoccupants est le travail des enfants, qui a toujours été une pratique courante en Côte d’Ivoire et au Ghana. La situation économique désastreuse des agriculteurs sur de petites parcelles ne leur laisse souvent pas d’autre choix que de compter sur le travail de leurs enfants pour assurer leur subsistance. Les activités telles que le levage de charges lourdes ou le travail avec des outils dangereux sont classées parmi les pires formes de travail des enfants. Bien que le gouvernement ivoirien ait lancé des mesures de répression contre le travail des enfants depuis 2015, rendant la scolarité obligatoire et gratuite, ces efforts n’ont obtenu qu’un succès limité, ce qui indique que les sanctions seules sont insuffisantes sans s’attaquer à la pauvreté sous-jacente.
Les efforts visant à améliorer les revenus des agriculteurs, tels que le programme Living-Income Differential (LID) lancé par la Côte d’Ivoire et le Ghana, visaient à ajouter une prime de 400 $ par tonne métrique aux prix du marché en vigueur. Cette initiative cherchait à aider les agriculteurs à échapper à la misère en garantissant un prix plus élevé pour leur cacao. Cependant, des entreprises multinationales de confiserie, dont Mondelēz et Hershey, ont été accusées de contourner ces paiements ou de modifier leurs habitudes d’achat pour éviter le différentiel, sapant l’impact prévu du programme. De même, les normes Fairtrade, bien qu’offrant un prix minimum et une prime comme filet de sécurité, se sont avérées insuffisantes à elles seules pour résoudre la pauvreté systémique à laquelle sont confrontés les producteurs de cacao. La lutte persistante des producteurs de cacao ivoiriens, malgré les interventions gouvernementales et basées sur le marché, souligne que la responsabilité sociale des entreprises volontaire et les ajustements de prix progressifs ne suffisent pas à résoudre la pauvreté structurelle profondément enracinée. Cela suggère qu’un changement véritablement transformateur nécessite l’autonomisation directe des agriculteurs par le biais d’initiatives d’intégration verticale, telles que des entreprises « bean-to-bar » appartenant aux agriculteurs, et la mise en œuvre de réglementations internationales plus strictes et exécutoires qui imposent une répartition équitable de la valeur sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, allant au-delà des simples labels « commerce équitable » vers de véritables modèles « de la ferme à la tablette ».
B. Pressions Environnementales
La culture du cacao en Côte d’Ivoire est inextricablement liée à une déforestation extensive. L’expansion des terres agricoles pour le cacao a été identifiée comme un moteur principal, contribuant à la perte de 45 % de la forêt tropicale humide du pays au cours des deux dernières décennies. Les experts estiment que jusqu’à 70 % de la déforestation illégale dans le pays est liée à la culture du cacao. Dans une décision controversée, le gouvernement a même envisagé de convertir des milliers de kilomètres carrés de forêts tropicales déjà dégradées en réserves agroforestières, un plan qui pourrait effectivement légaliser la déforestation à grande échelle.
À ces défis environnementaux s’ajoutent les impacts directs du changement climatique. Les producteurs de cacao connaissent de plus en plus des régimes météorologiques imprévisibles, notamment de fortes pluies qui facilitent la propagation des maladies, et des vents secs de l’Harmattan qui suscitent des inquiétudes quant aux rendements. Les plantations de cacao vieillissantes, dont beaucoup ont dépassé leurs années de production maximale, contribuent également à la baisse des rendements. En outre, les maladies des cultures comme la pourriture noire et le virus du gonflement des pousses de cacao (CSSV), ainsi que les infestations de ravageurs, sont des problèmes croissants qui ont un impact grave sur la productivité. La faible productivité de nombreuses petites exploitations cacaoyères, en partie due à une gestion inadéquate des ravageurs et des maladies et à une faible fertilité des sols, crée un cercle vicieux : les agriculteurs, désespérés de maintenir leurs revenus, sont contraints de défricher de nouvelles terres forestières à la recherche de meilleurs rendements, exacerbant ainsi la déforestation.
La stratégie du gouvernement ivoirien de convertir les forêts protégées en réserves agroforestières, tout en étant confronté à la baisse des rendements des plantations vieillissantes et aux défis induits par le climat, révèle une tension critique entre les exigences de production immédiates et la durabilité environnementale à long terme. Le mouvement « bean-to-bar », en favorisant un engagement direct avec les agriculteurs et en encourageant la qualité plutôt que la simple quantité, offre une voie cruciale pour promouvoir des pratiques agroforestières durables, encourager l’investissement dans le rajeunissement des exploitations existantes et, finalement, réduire la pression pour une déforestation accrue. Cette approche aligne les incitations économiques avec la préservation écologique, car un cacao de plus grande valeur et produit de manière éthique peut permettre aux agriculteurs de gagner plus sur des parcelles plus petites et gérées durablement, rendant l’expansion destructrice moins nécessaire.
C. Obstacles du Marché et des Infrastructures
Le marché mondial du cacao est caractérisé par une volatilité significative. Bien que les prix du cacao aient récemment atteint des sommets record en raison d’une faible offre, ils restent sujets à des fluctuations considérables. Des préoccupations concernant la qualité affectent également le marché, en particulier avec la récolte de mi-saison, où 5 à 6 % des fèves sont souvent jugées non conformes, ce qui entraîne des rejets par les transformateurs et a un impact sur la dynamique du marché.
Au niveau national, la Côte d’Ivoire fait face à des limitations substantielles en matière d’infrastructures de transformation et d’accès au financement. Malgré son statut de plus grand producteur de cacao, le pays ne capte qu’une valeur minimale car la plupart de ses fèves sont exportées brutes. Les obstacles à la transformation locale comprennent des coûts énergétiques et d’intrants prohibitifs, des infrastructures urbaines et industrielles inadéquates, et des défis logistiques persistants tels que des points de contrôle routiers inefficaces. En outre, les transformateurs locaux sont souvent confrontés à un accès limité au financement et à la technologie, ce qui, combiné à la domination écrasante des puissants acheteurs multinationaux, réduit considérablement le levier du pays sur le marché mondial. Le secteur national de la mouture, par exemple, a connu un ralentissement début 2025, en raison de préoccupations de rentabilité et de la mauvaise qualité de certaines fèves de mi-saison.
Cependant, une dynamique externe significative est en train d’émerger qui pourrait transformer ces défis en avantages stratégiques. Le marché mondial du chocolat premium connaît une croissance robuste, tirée par la demande des consommateurs pour des produits de meilleure qualité, produits de manière éthique et traçables. Parallèlement, le Règlement de l’Union Européenne sur la Déforestation (EUDR) doit être mis en œuvre à partir du 30 décembre 2025 pour les grandes et moyennes entreprises, et du 30 juin 2026 pour les petites entreprises. Ce règlement exige que les entreprises important des produits dans l’UE démontrent que leurs chaînes d’approvisionnement sont exemptes de déforestation, nécessitant ainsi une traçabilité considérablement améliorée de la ferme au produit final. Cette convergence de la demande mondiale croissante pour du chocolat premium et traçable et de la pression réglementaire imminente crée une puissante impulsion externe. Cette attraction du marché et cette exigence réglementaire peuvent agir comme un catalyseur, justifiant et attirant les investissements nécessaires dans les infrastructures de transformation et l’expertise technique ivoiriennes. Cette pression externe transforme efficacement les faiblesses existantes en avantages stratégiques pour l’intégration de la chaîne de valeur, car les acheteurs internationaux devront de plus en plus s’associer à des origines qui peuvent garantir un cacao transparent, durable et transformé localement.
D. Opportunités Stratégiques
Reconnaissant le besoin critique de valeur ajoutée, le gouvernement ivoirien a positionné l’industrialisation comme un pilier clé de son Plan National de Développement (PND 2021-2025), le cacao étant identifié comme un candidat de choix pour cette transformation. Une décision stratégique majeure a été l’inauguration d’une usine de transformation de cacao de 233 millions de dollars, qui s’inscrit dans l’objectif ambitieux du gouvernement de transformer localement au moins 50 % de sa production de cacao. Cette initiative vise à réduire la vulnérabilité du pays aux prix volatils des matières premières, à augmenter considérablement les recettes d’exportation et à renforcer son pouvoir de négociation sur les marchés internationaux.
La remontée de la chaîne de valeur par la transformation nationale promet des avantages substantiels, notamment la création d’emplois indispensables et l’expansion de la base manufacturière du pays. En outre, la promotion de l’intégration verticale des agriculteurs dans la chaîne de valeur, par exemple en aidant les coopératives à établir des installations de transformation à petite échelle et en proposant des modèles de partage des bénéfices, peut directement améliorer les moyens de subsistance des agriculteurs et autonomiser les communautés locales.
Ces efforts nationaux s’alignent parfaitement avec une tendance mondiale émergente : la demande croissante de produits chocolatés éthiques et haut de gamme. Le marché mondial du chocolat premium, évalué à environ 31,87 milliards USD en 2024, devrait atteindre 40,60 milliards USD d’ici 2030, ce qui représente un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 4,3 %. D’autres projections suggèrent une croissance encore plus élevée, atteignant 74,65 milliards USD d’ici 2032 avec un TCAC de 9,4 %. Cette croissance est largement tirée par l’évolution des préférences des consommateurs pour une qualité supérieure, une production éthique, l’indulgence et des options « cleaner-label ». Le chocolat noir premium, en particulier, est un segment important et en expansion, qui devrait croître à un TCAC de 4,8 % et détenir une part majoritaire de 60 % avec un TCAC de 9,56 % en raison des bienfaits perçus pour la santé. L’Europe reste le plus grand marché pour le chocolat premium, tandis que l’Asie-Pacifique émerge comme la région à la croissance la plus rapide. La croissance rapide des ventes en ligne, projetée à un TCAC de 7,4 %, représente également un canal de distribution important pour les produits chocolatés premium.
Le Tableau 2 synthétise l’interaction de ces facteurs, décrivant les principaux défis et opportunités stratégiques pour la valeur ajoutée du cacao ivoirien.
Tableau 2 : Principaux Défis et Opportunités dans l’Ajout de Valeur au Cacao Ivoirien
Catégorie | Défis | Opportunités | ||||
Socio-Économique | – Pauvreté des agriculteurs et faibles revenus (~0,78 $/jour, <6 % de la part de valeur) | – Travail des enfants persistant dû à la pauvreté | – Contournement du Différentiel de Revenu de Subsistance (LID) par les multinationales | – Autonomisation directe des agriculteurs par l’intégration verticale (par exemple, « bean-to-bar » appartenant aux agriculteurs) | – Réglementations exécutoires pour une répartition équitable de la valeur | |
Environnemental | – Déforestation étendue due à l’expansion du cacao (45 % de perte de forêt en 2 décennies) | – Impacts du changement climatique (conditions météorologiques imprévisibles, nouvelles maladies) | – Plantations vieillissantes, ravageurs et maladies réduisant les rendements | – Incitation à l’agroforesterie durable et à la qualité plutôt qu’à la quantité | – Investissement dans le rajeunissement des exploitations existantes et la gestion des maladies | – Alignement des incitations économiques avec la préservation écologique |
Marché & Infrastructure | – Volatilité du marché mondial et problèmes de qualité (5-6 % de la récolte de mi-saison non conforme) | – Coûts énergétiques/intrants élevés, infrastructures inadéquates, obstacles logistiques | – Accès limité au financement et à la technologie pour les transformateurs locaux | – Demande mondiale croissante de chocolat premium et traçable (TCAC 4,3 %-9,4 %) | – Règlement de l’UE sur la déforestation (EUDR) imposant la traçabilité d’ici 2025/2026 | – Attirer les investissements pour les infrastructures et l’expertise technique |
Stratégique | – Dépendance historique à l’exportation de fèves brutes (seulement 2,4 % de produit fini) | – Image de marque nationale limitée pour les produits chocolatés finis | – Programme d’industrialisation du gouvernement (PND 2021-2025) | – Investissement majeur dans une usine de transformation (233 millions USD, objectif de 50 % de transformation locale) | – Création d’emplois, diversification économique et renforcement du pouvoir de négociation |
IV. Pionniers Ivoiriens du « Bean-to-Bar » : Études de Cas
Le mouvement « bean-to-bar » en Côte d’Ivoire prend de l’ampleur, porté par une nouvelle génération d’entrepreneurs locaux engagés envers la qualité, l’éthique et la durabilité. Ces pionniers démontrent la viabilité de la transformation du cacao à l’origine et de la capture d’une plus grande valeur au niveau national.
MonChoco, basée à Abidjan, se distingue comme un artisan d’excellence, fabriquant à la main du chocolat cru, biologique, équitable et « bean-to-bar ». L’entreprise est unique en Afrique de l’Ouest pour son approche de confiserie crue, qui implique l’utilisation de fèves non torréfiées afin de préserver au mieux le goût et les propriétés nutritionnelles du cacao, notamment les antioxydants, les fibres, les protéines, les minéraux et les oligo-éléments. Les produits MonChoco sont naturellement végétaliens, sans gluten et notamment sans ajout de beurre de cacao ni de lécithine, soulignant le goût pur, fruité et boisé du cacao ivoirien. Leurs méthodes de production sont également respectueuses de l’environnement, intégrant le séchage des fèves au soleil, le broyage à vélo et l’emballage manuel dans du papier recyclé. La distribution de MonChoco s’étend au-delà de la Côte d’Ivoire, avec des comptoirs dans les principaux centres commerciaux locaux et des partenariats avec diverses entreprises. À l’international, ils proposent la livraison en Europe via DHL et ont une présence physique au Sénégal et en France.
Luster Chocolate opère selon un modèle « tree-to-bar » (de l’arbre à la tablette), signifiant un niveau encore plus profond d’intégration verticale où l’entreprise travaille directement avec les agriculteurs locaux pour produire des fèves de cacao ivoiriennes de qualité, des ingrédients et des produits de détail. Située en Côte d’Ivoire, la mission de Luster Chocolate est de fournir du chocolat de haute qualité tout en soutenant activement la communauté locale et l’environnement grâce à des ingrédients d’origine éthique et des méthodes de culture traditionnelles. Ils mettent l’accent sur une attention méticuleuse aux détails dans leur processus artisanal, de la ganache au chocolat tempéré, et sont fiers de s’appuyer sur des travailleurs qualifiés plutôt que sur des équipements de haute technologie. Leur gamme de produits comprend diverses tablettes de chocolat (par exemple, Café Torréfié 70 % Cacao, Gingembre 70 % Cacao), des sachets de chocolat, du beurre de cacao, des éclats de cacao et de la poudre de cacao. Luster Chocolate propose une expédition mondiale, élargissant ainsi sa portée commerciale.
aZannn’s Chocolate, une petite chocolaterie artisanale également située à Abidjan, illustre un fort engagement envers l’approvisionnement éthique et la qualité. Ils fabriquent leur chocolat « bean-to-bar » à partir de fèves provenant d’un système de commerce direct, spécifiquement de systèmes agroforestiers biologiques. De manière cruciale, aZannn’s Chocolate paie significativement plus que les prix du commerce équitable et du Conseil Café-Cacao ivoirien, assurant une juste rémunération à leurs producteurs et favorisant une main-d’œuvre passionnée. L’entreprise maintient un contrôle complet sur son processus de fabrication du chocolat, de l’approvisionnement et de la torréfaction (adaptée au profil aromatique de chaque origine de cacao) au concassage, au vannage, au raffinage, au conchage (ajoutant uniquement du sucre et une petite quantité de beurre de cacao, évitant les additifs ou les émulsifiants) et au tempérage. Leur dévouement à la qualité est égalé par leur gestion environnementale, luttant activement contre la déforestation et évitant les pesticides.
Ces producteurs locaux ivoiriens de « bean-to-bar », par leurs modèles opérationnels qui privilégient le commerce direct, le paiement équitable des agriculteurs et les pratiques durables (telles que l’agriculture biologique et l’agroforesterie), démontrent une voie viable et locale pour aborder les problèmes systémiques comme la pauvreté des agriculteurs et la déforestation directement à la source. Leur existence et leurs pratiques déclarées fournissent des preuves concrètes que des solutions axées sur le marché peuvent résoudre efficacement des défis sociaux et environnementaux profondément enracinés.
Au-delà de ces producteurs artisanaux, de plus grands acteurs de l’industrie réalisent également des investissements stratégiques dans la transformation locale et les programmes de durabilité. Puratos, un fournisseur mondial d’ingrédients, a commencé la production de chocolat en Côte d’Ivoire en juillet 2021 sous sa marque « Chocolanté ». Cette opération utilise 100 % de fèves ivoiriennes, qui sont fermentées et transformées dans la région de San Pedro, ce qui signifie une intégration complète de l’agriculteur au chocolat. Le programme « Cacao-Trace » de Puratos, créé en 2014, vise à améliorer les conditions de vie des producteurs de cacao grâce à des primes de qualité et des programmes de « bonus chocolat » qui financent des projets communautaires, y compris des bourses d’études, des stations d’eau et des écoles. Puratos s’engage à s’approvisionner en cacao de manière durable, en travaillant activement pour mettre fin à la déforestation liée à la culture du cacao et en s’efforçant d’assurer un revenu de subsistance aux producteurs, avec un objectif de 100 % d’ingrédients de cacao d’origine durable d’ici 2030.
L’émergence combinée de ces producteurs artisanaux locaux et des investissements stratégiques de grands acteurs internationaux comme Puratos indique une approche à double volet et évolutive de la valeur ajoutée. Ce modèle combine efficacement la qualité artisanale et l’efficacité industrielle, offrant un plan robuste pour l’avenir du cacao ivoirien. Le succès de ces entreprises pionnières fournit des exemples concrets et une preuve de concept pour d’autres entrepreneurs locaux et sert d’aimant pour de nouveaux investissements, illustrant que la révolution « bean-to-bar » est déjà en cours au niveau national et gagne une reconnaissance internationale.
Le Tableau 3 présente un aperçu de ces principaux producteurs ivoiriens de chocolat « bean-to-bar » :
Tableau 3 : Aperçu des Principaux Producteurs Ivoiriens de Chocolat « Bean-to-Bar »
Nom de l’entreprise | Localisation | Différenciateurs clés | Gamme de produits | Canaux de distribution |
MonChoco | Abidjan | Cru, biologique, équitable, « bean-to-bar » ; seule confiserie crue en Afrique de l’Ouest ; sans beurre de cacao/lécithine ajoutés ; séché au soleil, broyé à vélo, emballé à la main. | Fondant, tablettes (diverses saveurs) | Comptoirs dans les principaux centres commerciaux de CI, partenariats avec des entreprises, boutique en ligne (livraison en Europe via DHL), présence physique au Sénégal et en France |
Luster Chocolate | Côte d’Ivoire | « Tree-to-bar » ; travail direct avec les agriculteurs locaux pour des fèves de qualité ; approvisionnement éthique ; méthodes de culture traditionnelles ; accent sur les chocolatiers qualifiés plutôt que sur les équipements de haute technologie. | Tablettes de chocolat (par exemple, Café Torréfié, Gingembre, Éclats de Cacao), sachets de chocolat (par exemple, Noix de Cajou Torréfiées enrobées de Chocolat Noir), beurre de cacao, éclats de cacao, poudre de cacao, fèves de cacao torréfiées. | Boutique en ligne (expédition mondiale) |
aZannn’s Chocolate | Abidjan | Artisanat à petite échelle ; commerce direct issu de l’agroforesterie biologique ; paie au-dessus des prix FairTrade/CCC ; lutte contre la déforestation ; contrôle total du processus ; pas d’additifs/émulsifiants. | Chocolat artisanal « bean-to-bar » (noir, lait), met l’accent sur le terroir et la qualité. | Système de commerce direct ; canaux de distribution spécifiques non détaillés dans le matériel fourni. |
Puratos (Chocolanté) | Région de San Pedro | Intégration à grande échelle ; 100 % de fèves ivoiriennes, fermentées et transformées localement ; programme Cacao-Trace pour les primes de qualité aux agriculteurs et les projets communautaires. | Gamme de chocolat Chocolanté | Côte d’Ivoire et exportation vers d’autres pays africains |

V. Potentiel du Marché et Dynamique des Exportations pour les Produits Chocolatés Ivoiriens
Le potentiel du marché pour les produits chocolatés ivoiriens, en particulier ceux adhérant à la philosophie « bean-to-bar », est substantiel, tiré par l’évolution des préférences des consommateurs mondiaux et les nouveaux cadres réglementaires.
Le marché mondial du chocolat premium connaît une expansion robuste. Évalué à 31,87 milliards USD en 2024, il devrait atteindre 40,60 milliards USD d’ici 2030, avec un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 4,3 %. Des projections plus optimistes suggèrent une croissance encore plus rapide, atteignant 74,65 milliards USD d’ici 2032 avec un TCAC de 9,4 %. Cette croissance est alimentée par la demande des consommateurs pour une qualité supérieure, une production éthique, des expériences indulgentes et des options « cleaner-label ». Le chocolat noir premium est un segment particulièrement fort, qui devrait croître à un TCAC de 4,8 % et détenir une part majoritaire de 60 % avec un TCAC de 9,56 %, en grande partie en raison de ses bienfaits perçus pour la santé. L’Europe reste le plus grand marché pour le chocolat premium, tandis que l’Asie-Pacifique est identifiée comme le marché à la croissance la plus rapide. Les ventes en ligne sont également un canal de distribution en expansion rapide, avec un TCAC projeté de 7,4 %.
Le Tableau 4 offre un aperçu complet de ces dynamiques de marché :
Tableau 4 : Projections du Marché Mondial du Chocolat Premium et Segments Clés
Métrique | Détails | Source |
Taille du marché (2024) | 31,87 milliards USD | |
Taille du marché projetée (2030/2032) | 40,60 milliards USD (d’ici 2030) ou 74,65 milliards USD (d’ici 2032) | |
TCAC (2025-2030/2032) | 4,3 % (2025-2030) ou 9,4 % (2025-2032) | |
Plus grand marché (2024) | Europe (43,09 %-45 % de part de marché dans le chocolat noir/marché premium global) | |
Marché à la croissance la plus rapide | Asie-Pacifique | |
Segments de produits clés | Chocolat noir (60 % de part majoritaire, TCAC 9,56 %), Chocolat au lait (46,7 % de part de revenus) | |
Principaux canaux de distribution | Hypermarchés et supermarchés (35,9 % de part de revenus), en ligne (TCAC 7,4 %) |
Bien que la Côte d’Ivoire soit le leader mondial de la production de cacao, sa consommation intérieure de cacao est relativement modeste. Les projections pour l’année de commercialisation (MY) 2024/2025 indiquent une consommation intérieure de 35 à 36 mille tonnes métriques, une petite fraction par rapport à la production projetée de 1,8 million de tonnes métriques. Cependant, une industrie du chocolat émergente en Afrique se développe, accompagnée d’un appétit croissant pour les produits chocolatés sur tout le continent. Cela suggère un marché régional naissant mais potentiellement significatif pour les produits chocolatés finis ivoiriens.
Un facteur critique influençant les stratégies d’exportation est la mise en œuvre des réglementations internationales, en particulier le Règlement de l’Union européenne sur la déforestation (EUDR). Ce règlement, qui entrera en vigueur le 30 décembre 2025 pour les grandes et moyennes entreprises et le 30 juin 2026 pour les micro et petites entreprises, exige que les entreprises démontrent que leurs produits sont exempts de déforestation. Cela nécessite une plus grande traçabilité tout au long de la chaîne d’approvisionnement. L’EUDR obligera les entreprises important du cacao dans l’UE à s’engager avec les fournisseurs de manière à protéger les moyens de subsistance des agriculteurs et à garantir la conformité, créant ainsi une forte incitation à l’approvisionnement direct et à des pratiques transparentes et durables qui s’alignent sur l’éthique « bean-to-bar ».
Une analyse comparative avec d’autres pays producteurs de cacao révèle à la fois des avantages concurrentiels et des leçons pour la Côte d’Ivoire. Le Ghana, deuxième producteur mondial de cacao, poursuit activement une stratégie nationale visant à devenir un centre de fabrication de chocolat, dans le but de réduire sa dépendance aux exportations de matières premières. Le gouvernement ghanéen soutient explicitement cette « révolution du chocolat », ce qui a conduit à l’émergence de producteurs artisanaux locaux comme ’57 Chocolates, qui ont réussi à se développer à l’international. Cela démontre le pouvoir d’une stratégie nationale proactive pour favoriser une industrie du chocolat fini.
Le Pérou, une région cacaoyère établie de longue date, est réputé pour ses variétés Criollo et Trinitario à saveur fine et se classe au deuxième rang mondial des exportateurs de cacao biologique, avec plus de 60 variétés de cacao différentes. Les entreprises péruviennes « bean-to-bar » mettent l’accent sur des profils aromatiques uniques (par exemple, cannelle, fruits secs, notes florales) et le concept de tablettes d’origine unique, la certification biologique et les pratiques de commerce équitable étant courantes. De même, l’
Équateur est célébré pour ses fèves de cacao Nacional « à saveur fine », florales et fruitées, qui sont naturellement plus riches en beurre de cacao, conférant une texture plus lisse au chocolat. Le cacao équatorien cultivé dans des systèmes agroforestiers donne des saveurs exceptionnelles, et les fabricants « bean-to-bar » paient souvent des primes importantes pour ces fèves fines, soutenant les pratiques agricoles régénératrices et contournant les courtiers traditionnels.
Bien que la Côte d’Ivoire ait fait des progrès louables en matière de transformation locale avec de nouvelles installations, la comparaison avec la stratégie nationale proactive du Ghana visant à devenir un pôle de chocolat fini, et la réputation établie du Pérou et de l’Équateur en matière de fèves à saveur fine et d’origine éthique, suggère que la Côte d’Ivoire doit aller au-delà de la simple augmentation de la capacité de transformation. Une stratégie nationale plus agressive de promotion de la marque, de marketing et d’exportation pour les produits chocolatés ivoiriens finis est nécessaire pour capitaliser pleinement sur le marché mondial croissant du chocolat premium et l’impulsion des réglementations comme l’EUDR. Positionner son profil aromatique unique de « cacao classique » comme un avantage concurrentiel, associé à des récits solides d’approvisionnement éthique et de durabilité, sera crucial pour que la Côte d’Ivoire se taille une niche significative sur le marché mondial du chocolat de haute qualité et produit de manière durable.
VI. Recommandations Stratégiques pour une Croissance Durable du « Bean-to-Bar »
Pour réaliser pleinement le potentiel transformateur du mouvement « bean-to-bar », une approche multifacette impliquant le gouvernement, les producteurs locaux et les partenaires internationaux est essentielle.
A. Recommandations Politiques pour le Gouvernement et les Organismes de Réglementation
Le gouvernement ivoirien et les organismes de réglementation ont un rôle essentiel à jouer dans la création d’un environnement propice à une croissance durable du « bean-to-bar ». Premièrement, il est impératif de renforcer les cadres réglementaires qui garantissent des prix équitables pour les agriculteurs et luttent rigoureusement contre le travail des enfants. Tirant les leçons des lacunes du programme Living-Income Differential (LID), cela pourrait impliquer la mise en œuvre de mécanismes de paiement plus directs ou l’établissement d’une surveillance plus stricte des pratiques d’achat des multinationales pour éviter le contournement. Deuxièmement, l’
investissement dans les infrastructures et la logistique est essentiel. La priorité donnée au développement d’un approvisionnement énergétique fiable, à l’amélioration des réseaux routiers et à la mise en place d’installations de stockage adéquates réduira considérablement les coûts de transformation pour les fabricants locaux et améliorera leur accès au marché. Troisièmement, la
facilitation de l’accès au financement et à la technologie pour les petites et moyennes entreprises de transformation de chocolat locales est cruciale. Cela peut être réalisé par le biais de fonds dédiés, de subventions et de programmes d’assistance technique qui leur permettent d’acquérir des équipements et une expertise modernes, améliorant ainsi l’efficacité et la qualité. Quatrièmement, la
promotion d’une utilisation durable des terres doit être une priorité. Cela inclut l’application des lois existantes sur la protection des forêts, le soutien actif aux initiatives agroforestières qui intègrent la culture du cacao à d’autres arbres, et l’incitation des agriculteurs à rajeunir les plantations vieillissantes et à adopter des pratiques agricoles intelligentes face au climat. Enfin, un effort dédié au
développement de la marque nationale et à la promotion des exportations est nécessaire. La Côte d’Ivoire devrait lancer une campagne internationale de marque de chocolat « Made in Côte d’Ivoire », mettant en valeur son profil aromatique unique de « cacao classique » et les histoires d’approvisionnement éthique derrière ses produits, en s’inspirant des efforts réussis de marque nationale du Ghana.
B. Recommandations pour les Producteurs Locaux
Les producteurs ivoiriens de « bean-to-bar » sont à l’avant-garde de cette transformation et peuvent adopter plusieurs stratégies pour améliorer leur compétitivité et leur impact. Ils doivent prioriser la qualité et la différenciation. Cela implique de se concentrer sur la production de fèves de cacao à saveur fine grâce à des pratiques post-récolte améliorées, en particulier la fermentation et le séchage, et en adoptant l’agroforesterie, qui peut générer des prix plus élevés sur le marché premium. Deuxièmement, l’
adoption du commerce direct et de la traçabilité est primordiale. L’établissement de relations solides et transparentes avec les agriculteurs, la garantie d’une juste rémunération et la mise en place d’une traçabilité claire de la ferme à la tablette répondront à la demande croissante des consommateurs pour des produits éthiques et aux réglementations internationales imminentes. Troisièmement, l’
investissement dans l’image de marque et la narration est vital. Les producteurs devraient mettre en avant le terroir ivoirien unique, leurs pratiques d’approvisionnement éthiques et l’impact social positif de leurs entreprises pour résonner auprès des consommateurs conscients qui sont prêts à payer un supplément pour de tels récits. Enfin, l’
exploration de divers canaux de distribution maximisera la portée. Cela inclut l’exploitation des plateformes en ligne pour les ventes directes aux consommateurs, l’établissement de partenariats avec des magasins spécialisés et la recherche active d’opportunités d’exportation par le biais de réseaux établis pour atteindre les marchés mondiaux.
C. Stratégies pour les Partenaires et Investisseurs Internationaux
Les partenaires et investisseurs internationaux ont un rôle crucial à jouer dans le soutien de la transition de la Côte d’Ivoire vers un secteur cacaoyer à plus forte valeur ajoutée. Ils devraient envisager un investissement direct dans les installations de transformation locales, en particulier celles qui s’engagent dans des pratiques durables et éthiques, complétant ainsi les efforts du gouvernement. Deuxièmement, la
fourniture de renforcement des capacités et de transfert de technologie par le biais de programmes de formation pour les chocolatiers ivoiriens en techniques de transformation avancées, en contrôle qualité et en gestion d’entreprise élèvera l’expertise locale. Troisièmement, le
soutien aux coopératives d’agriculteurs par des investissements leur permettra de s’engager dans la transformation à petite échelle et d’acquérir un plus grand contrôle sur la chaîne de valeur, autonomisant directement les agriculteurs. Quatrièmement, les entreprises multinationales doivent
s’engager à des pratiques d’achat plus équitables, en respectant les différentiels de revenu de subsistance et en s’engageant dans des accords d’achat stables à long terme qui offrent prévisibilité et prix équitables aux agriculteurs, favorisant ainsi la confiance et la durabilité tout au long de la chaîne d’approvisionnement.
D. Approches pour Développer les Pratiques Agricoles Durables et Aborder les Problèmes Sociaux
La résolution des défis socio-économiques et environnementaux nécessite des approches intégrées. L’expansion des systèmes agroforestiers est essentielle pour améliorer la santé des sols, renforcer la biodiversité et accroître la résilience climatique, tout en maintenant les rendements de cacao. Cela réduit la pression sur la déforestation et crée un modèle agricole plus durable. Deuxièmement, la mise en œuvre de
stratégies de gestion intégrée des ravageurs et des maladies qui sont à la fois efficaces et respectueuses de l’environnement réduira les pertes de rendement et améliorera la santé globale des plantations de cacao. Troisièmement, la lutte contre le travail des enfants nécessite une transition vers une
réduction du travail des enfants basée sur la communauté. Cela signifie se concentrer sur les causes profondes du travail des enfants, principalement la pauvreté, par la diversification des revenus, le soutien éducatif et des programmes de développement communautaire plus larges, plutôt que sur des mesures uniquement punitives. Enfin, des systèmes robustes de
traçabilité et de transparence, éventuellement via des plateformes numériques, sont essentiels pour suivre le cacao de la ferme à l’usine. Cela garantit la conformité aux réglementations internationales comme l’EUDR et répond aux attentes croissantes des consommateurs en matière d’approvisionnement éthique, renforçant la confiance et la responsabilité tout au long de la chaîne de valeur.
VII. Conclusion
Le mouvement « bean-to-bar » offre à la Côte d’Ivoire une voie essentielle pour transcender son rôle historique d’exportateur de matières premières brutes. En adoptant la transformation locale, en favorisant les relations commerciales directes et en s’engageant dans des pratiques durables, le pays peut dégager une valeur économique significative, créer des emplois indispensables et relever des défis sociaux et environnementaux profondément enracinés dans son secteur cacaoyer. Cette transformation n’est pas seulement une opportunité économique ; elle représente un impératif moral pour assurer une prospérité équitable à ses millions de producteurs de cacao, qui ont historiquement reçu une part disproportionnellement faible de la richesse générée par leur travail.
Malgré les complexités inhérentes et les obstacles systémiques, la convergence d’une demande mondiale croissante pour un chocolat premium et d’origine éthique, associée à des pressions réglementaires croissantes pour la transparence de la chaîne d’approvisionnement (telles que le Règlement de l’UE sur la déforestation), crée une fenêtre d’opportunité sans précédent pour la Côte d’Ivoire. Grâce à une collaboration stratégique multipartite — impliquant des politiques gouvernementales proactives, des producteurs locaux innovants et des partenaires internationaux engagés — ainsi qu’à des investissements soutenus dans les capacités locales et une vision claire de la marque nationale, la Côte d’Ivoire peut consolider sa position non seulement en tant que premier producteur mondial de cacao, mais aussi en tant qu’acteur majeur sur le marché mondial du chocolat de haute qualité et produit de manière durable. L’avenir du chocolat ivoirien est mûr pour une douce révolution, passant d’un passé amer à un avenir plus prospère et durable.